Roman au bac : de Rabelais à madame de La Fayette8 min read
Reading Time: 5 minutesRoman au bac français : découvrons comment mettre en lumière la complexité de plusieurs oeuvres littéraires en les étudiant en effets miroir. Prenons l’exemple de la forme littéraire du roman. Sa naissance répond-elle à une date précise ? En tous les cas, sa gestation couvre une large période historique. Ainsi, Rabelais et madame de La Fayette appartiennent à des époques bien différentes. Pourtant, malgré le fossé temporel qui les sépare, il est possible de tisser des liens entre ces deux monuments de la littérature française. Leurs œuvres arrivent à un moment de l’histoire littéraire où les formes se renouvellent. Et ces écrivains en furent d’actifs artisans.
Rabelais l’énigmatique
Rabelais (1483-1553) naît à l’extrême fin du Moyen Âge et au début de l’essor de l’Humanisme.
Sa vie n’est pas entièrement connue des historiens et ce mystère n’aurait sans doute pas déplu à l’auteur. Il serait entré au couvent des Cordeliers de Fontenay-le-Comte vers 1511 puis il aurait été ordonné prêtre.
En 1525-1527, on le retrouve secrétaire de l’évêque Geoffroy d’Estissac. Il est reçu bachelier en médecine en 1530. Son livre Gargantua est publié vers 1535.
Il obtient en 1545 un privilège royal pour « ses livres et œuvres consequens, des faictz heroïcques de Pantagruel, commançans au troisiesme volume ». Il le doit sans doute à Marguerite de Navarre, sœur de François Ier.
Rabelais meurt (probablement) le 14 mars 1553, sans que l’on sache jamais où son corps est enterré. Peut-être à Paris, rue des Jardins ou bien dans le cimetière Saint-Paul. Le mystère demeure…
Vous aurez tout le loisir d’étudier cette énigme puisque François Rabelais et son Gargantua rejoignent dès septembre 2021 les nouvelles oeuvres de littérature d’idées au programme du bac français.
Madame de La Fayette, une femme de cour
Madame de La Fayette (1634-1693) connaît une destinée bien différente.
Elle naît à la fin du mouvement esthétique baroque et grandira au milieu des idées du classicisme. De son vrai nom Marie-Madeleine Pioche de la Vergne, sa famille se trouve dans l’entourage proche du cardinal de Richelieu. En 1650, elle devient demoiselle d’honneur de la reine de France Anne d’Autriche. Elle a également pour professeur un certain Ménage qui lui apprend notamment le latin et l’italien. C’est ce professeur qui lui fait fréquenter les salons littéraires, entre autres celui de la célèbre Madeleine de Scudéry. Parmi ses proches, on trouve le moraliste La Rochefoucauld, auteur des Maximes.
Son roman le plus connu reste La Princesse de Clèves, paru anonymement en 1678. Mais ce n’est pas là son unique roman. Il est intéressant de se pencher sur la lecture de La Princesse de Montpensier, paru bien plus tôt en 1662, et qui peut se lire comme le négatif du parcours de La Princesse de Clèves. Ces deux romans recherchent tous les deux une forme d’édification morale. Mais si la Princesse de Clèves s’illustre par sa vertu et sa perfection, la Princesse de Montpensier, elle, montre le désordre et la complexité des passions humaines jusqu’à la déchéance.
Rabelais, œuvres carrefour de la forme romanesque
Gargantua, père de Pantagruel, est ce géant qui semble représenter la démesure en toute chose. Et cette démesure sera dans le viseur des inquisiteurs comme celui qui en 1549 range « le livre de Pantagruel et de Panurge » parmi les livres interdits. Mais Rabelais avait anticipé la critique. Dans son adresse aux lecteurs, il écrit :
« Et le lisant ne vous scandalisez,
il ne contient mal ne infection ».
Et le début du XVIe siècle, qui voit également la naissance de l’Humanisme, est une période faste pour les savoirs.
- En 1515, c’est l’avènement de François Ier qui héritera du surnom de Prince des Arts et des Lettres,
- L’année suivante, Thomas More publie son Utopia et le célèbre Erasme donne son édition du Nouveau Testament,
- En 1517, Luther affiche ses 95 thèses,
- et en 1519, Charles-Quint est couronné empereur.
Cette période historique d’une rare intensité, l’oeuvre de Rabelais en est le reflet. Pour bien comprendre un auteur, il faut se plonger dans le contexte historique qui est le sien. François Rabelais n’échappe pas à la règle. D’un point de vue plus littéraire, le début du XVIe siècle entame la disgrâce du roman de chevalerie. Les célèbres textes médiévaux ont subi de nombreux remaniements qui ont fini par les altérer. Les lecteurs ne sont peut-être pas tout à fait lassés des romans de chevalerie mais ils en attendent autre chose. Dans les années 1540, naît la collection des Amadis, mélange d’aventure et de sentimentalité. Mais cette forme ne convient pas à Rabelais et il en invente une nouvelle. Plutôt que d’appliquer de vieux modèles d’écriture, il les retravaille, les réinvente, donnant à son œuvre l’aspect d’une polyphonie. Rabelais n’aime pas les règles établies et la lecture de Gargantua pourra révéler cette joyeuse impertinence. Entre sacré et profane, sérieux ou comique, Rabelais refusera toujours de choisir.
Madame de La Fayette, nouvelle forme romanesque
S’il y a un point commun entre madame de La Fayette et Rabelais, on peut aller le chercher du côté de la réflexion sur les formes littéraires.
Si Rabelais en son temps a réfléchi à la forme romanesque, il en est de même pour Marie-Madeleine de La Fayette. Dès 1670, l’autrice fait précéder le texte de Zaïde par le Traité de l’origine des Romans écrit par un certain Huet, signe que madame de La Fayette s’intéresse à la constitution du genre. Peut-être que l’on peut aussi trouver le terreau de ce que l’on appellera le roman psychologique dans les courts romans espagnols ou bien encore dans certaines nouvelles de Marguerite de Navarre au XVIe siècle. On peut y voir confirmation que les textes de madame de La Fayette sont le fruit d’une érudition et d’une réflexion critique dans un XVIIe siècle largement dominé par le théâtre. Et La Princesse de Clèves restera comme une œuvre clé de la littérature parce qu’elle est constitutive d’un genre qui s’épanouira pleinement dans les siècles à venir. Pour mieux se plonger dans l’univers de madame de La Fayette, on pourra regarder l’adaptation cinématographique de son autre roman La Princesse de Montpensier par Bertrand Tavernier (2010).
Roman au bac de français : comment mieux comprendre les formes littéraires ?
Effets miroir, échos sensibles, il sera profitable pendant l’année de première de faire résonner entre eux les textes des objets d’étude au programme du bac français. Cette approche permet d’en mesurer la profondeur. À cet effet, il faudra rapidement se construire des outils de travail pour maîtriser le contenu des œuvres ainsi que leur contexte. D’ailleurs, ces outils littéraires se construisent dès l’année de français seconde dont le programme est l’antichambre du bac.
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