Arthur Rimbaud : un éternel insatisfait au bac de français 20245 min read

Arthur Rimbaud fait son entrée au programme de la classe de 1ère pour le bac de français 2024. Les cahiers de Douai regroupent une vingtaine de poèmes dont Rimbaud cherchera à se débarrasser. Il demandera même au poète Paul Demeny de les brûler. Œuvre de jeunesse ? Œuvre imparfaite aux yeux de leur auteur ? Ces textes sont l’occasion d’aborder un moment clé de l’histoire de la poésie et de préparer l’épreuve de dissertation sur oeuvre.

Rimbaud, une révolution ?

 Cinq années seulement séparent ces deux tableaux. Et pourtant, il est visible qu’entre temps a eu lieu une révolution artistique. Tous deux sont l’oeuvre de Pablo Picasso. Maîtrisant à la perfection les techniques classiques, il cherche à trouver une nouvelle voie en peinture.

Dans le domaine de la poésie, Rimbaud a lui aussi opéré sa propre révolution. En 1868, alors qu’il est élève au collège de Charleville, il compose ses premiers vers en latin :

            « Ver erat, et morbo Romae languebat inerti

               Orbilius »

            « C’était le printemps, et, à Rome, Orbilius s’alanguissait d’une  maladie énérvante ».

Ainsi, l’entrée en poésie d’Arthur Rimbaud fut-elle aussi relativement académique. Il a alors quatorze ans et compose ce poème pour un prix de vers latins. L’année suivante, en 1869, il récidive et compose en latin le poème « Jugurtha ». Ce texte est aussi l’occasion d’un compliment à l’égard de Napoléon III. Rimbaud écrira même des vers latins qu’il adressera au fils de Napoléon III à l’occasion de sa communion. Il souhaitait rester anonyme mais son vœu ne fut pas exaucé. Le précepteur du fils de Napoléon III écrivit au directeur du collège qui ne manqua pas de féliciter devant la classe le travail du jeune poète.

Rimbaud, un poète singulier

Mais pour Rimbaud, cet instant de gloire se transforma vite en humiliation. Sans doute avait-il voulu adresser un compliment sincère. La jeunesse de Rimbaud fut également marquée par l’absence de son père, Frédéric, officier de l’armée et la fréquentation d’un frère aîné qu’il n’aimait pas.

Après la chute de Napoléon III et du Second Empire en 1870, Rimbaud va prendre un premier virage poétique. Il s’amuse par exemple à parodier Louis Belmontet, poète officiel du Second Empire. Arrivé à Londres en 1872, ses propos se radicalisent et il souhaite voir l’empereur envoyé aux galères ! Cette même année, il fait également une rencontre importante, celle du poète Paul Verlaine.

C’est dans la lettre qu’il adresse à Paul Demeny le 15 mai 1871 que se cristallisent ses deux révolutions. La première est poétique et Rimbaud appelle à un :

« long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens ».

La seconde est politique car dans la même lettre il intercale des poèmes qui évoquent la guerre et les luttes comme « chant de guerre parisien ».

Sans doute Rimbaud a-t-il espéré une véritable révolution après la défaite de Napoléon III en 1870. Mais ses illusions seront vite déçues. Et Rimbaud maniera alors dans sa poésie le cynisme. Mais Rimbaud est aussi un héritier de la poésie romantique du début du XIXe siècle et il en a conservé le sens de l’ironie mais aussi de l’ennui et de la contemplation.

L’oeuvre : Les cahiers de Douai

Rimbaud effectuera deux séjours à Douai, l’un en septembre puis l’autre en octobre 1870. Rimbaud, fugueur, s’était retrouvé en prison puis avait trouvé refuge chez son professeur Georges Izambard, venu le chercher. Paul Demeny les rejoint et c’est sans doute une période heureuse pour Rimbaud qui trouve là une famille de substition. Rimbaud va alors laisser à Demeny des sonnets et d’autres poèmes qu’il aura composés pendant ses vagabondages. Puis, en 1871, il écrira à Paul Demeny :

            « Brûlez, je le veux et je crois que vous respecterez ma volonté comme celle d’un mort, brûlez tous les vers que je fus assez sot pour vous donner ».

Mais Paul Demeny n’obéira pas et conservera les cahiers de Douai d’Arthur Rimbaud. Ainsi Rimbaud fut-il sans doute un éternel insatisfait, un être nostalgique dont les errances montrent son désir d’ailleurs. Et cette insatisfaction transparaît aussi dans son écriture au travers de formes qui se renouvellent sans cesse. Sa poésie aime la fantaisie, dans ce qu’elle peut avoir de comique, ironique mais aussi cosmique.

Aborder la poésie de Rimbaud en classe de 1ère, c’est l’occasion d’aller à la rencontre d’un langage qui se réinvente mais aussi d’un poète qui place au cœur de ses vers ses doutes et ses passions de jeune homme.

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