Sciences Po, ma 1re année14 min read
Reading Time: 8 minutesSciences Po : la 1re année des anciens élèves de la prépa Averroès vient de s’achever. Ils partagent depuis le campus du Havre, de Menton et de Dijon leur enthousiasme et leurs bons conseils pour les nouveaux admis ou futurs candidats. De nouvelles vocations à naître?
Me loger sur mon campus Sciences Po, c’est compliqué ?
Premier constat positif : l’installation sur les différents campus ne pose pas de problème particulier. Même si les confirmations d’admissions arrivent à des dates très différentes selon le pays d’où vous candidatez, l’offre immobilière est importante. Fer de lance de la transmission d’informations : les 2des années.
“Sur le campus de Menton, explique L, il y a création sur Facebook d’un groupe de promo ouvert aux admis pour les aider à s’installer, où ils peuvent poser beaucoup de questions pratiques aux 2des années. Il y a une liste qui circule entre élèves avec les noms et adresses des propriétaires de logement, le montant des loyers….”
Sur le campus de Poitiers, l’admission donne aussi accès à un groupe Facebook “transmission meuble et appartement”. “Ce groupe permet même de trouver des colocs correspondant à son profil et ses préférences, précise S”.
Autres bonus des campus de province, les logements sont très abordables, des loyers moyens compris entre 300 et 400€ mensuels.
Ma 1re année Sciences Po dans une ville moyenne de province, choc culturel?
Le passage à l’autonomie
“J’avais le cliché : “Oh ma pauvre, tu vas au Havre”, s’amuse M. J’aimais beaucoup le contexte international de Hong Kong et je craignais le “trou français”. Je m’étais construite une image négative de la ville. Or, sur le campus de Sciences Po Le Havre, le contexte est super international. Les cours sont en Anglais, au 2d trimestre au moins, et on parle anglais sur le campus.
La ville du Havre est charmante, je m’y suis attachée. Au début on va à la plage, on fait des pique-niques. C’est génial dès le départ. Puis arrivent le froid et le vent, on ne peut plus faire de sport parce qu’il fait trop mauvais…”.
“Le Havre, c’est une petite ville à proportion humaine et familiale, confirme C. Cela facilite l’intégration, c’est parfait pour démarrer la vie étudiante, pour réussir son passage à l’autonomie”.
Une transition à taille humaine
Même son de cloche du côté du campus Sciences Po Poitiers. “C’était ma plus grande peur en arrivant de Thaïlande, raconte S. J’avais vécu 10 ans hors de France ; entendre parler français dans les rues , c’était déjà bizarre. Poitiers était la meilleure transition vers l’autonomie parce que c’est très familial, géographiquement, nous sommes tous à côté sur le campus.
Poitiers est une ville très agréable, avec une belle architecture et une offre culturelle dynamique. Le TAP propose beaucoup de choix, pièces de théâtres et cinéma d’auteur, très abordables avec la carte d’étudiant. L’adaptation était beaucoup plus simple qu’à Paris.”
“Depuis le campus de Sciences Po Menton, j’ai beaucoup visité les villes et la région environnantes, rajoute L. Les étudiants étrangers en profitent pour voyager beaucoup en Europe”.
Est-ce que c’était compliqué l’intégration en 1re année?
Autant divulgacher tout de suite : il suffit de mentionner la semaine d’intégration qui se déroule fin août sur tous les campus Sciences Po pour récolter une moisson de sourires ravis.
La semaine d’intégration
“Il y a une double semaine d’intégration, explique L. Une intégration est organisée par l’administration, plus pédagogique. Les élèves assistent à des cours tels que des modules de méthodologie, des parcours d’orientation sont organisés sur le campus, par exemple pour expliquer le fonctionnement de la bibliothèque.
Parallèlement, les 2des années organisent une intégration plus “sociale” : visites de la ville, jeux, énigmes et rallyes pour découvrir les lieux stratégiques de Menton. Une séance importante est organisée sur l’éducation sexuelle, la tolérance et le consentement.
Nous constituons aussi des familles en fonction des affinités : papa et maman organisent un dîner de “famille” d’une quinzaine de personnes pour un moment de rencontre plus resserré. Sans oublier le BDE qui anime moult soirées.
L’association de musique organise un concert sur la plage pour enseigner les chants du campus, dont l’incontournable La Mantonnaise.”
Les rencontres
“Lors de la semaine d’intégration au Havre, il y a des sorties tous les soirs, plussoie M., tout le monde est invité, les rencontres sont très fluides. Chez nous, il y a un système de godmothers et godfathers qui permet de forger un premier groupe d’amis en début d’année.
Le bilinguisme m’a beaucoup aidé, c’est plus difficile pour les élèves étrangers qui ne parlent pas français. Nous avons un weekend d’intégration dans un camping, absolument génial.
Le truc, c’est d’aller vers les autres étudiants. Personne ne connaît personne, c’est un peu impressionnant mais il ne faut pas hésiter à échanger. Dire oui à tout ce qui est proposé, y aller à fond. Mon groupe d’amis, je l’ai fait pendant cette semaine-là. J’étais très proche de ma godmother. Comme la sélection est dure pour rentrer à ScPo, il y a des gens de qualité et c’est obligé, des profils qui vont bien ensemble.”
Avais-tu des craintes, des attentes particulières pour ta 1re année à Sciences Po ?
De nouveaux repères académiques
“J’avais des attentes élevées, explique S. J’ai eu le sentiment que c’était difficile de trouver mes repères académiques, je venais d’un lycée français de l’étranger, avec un bon encadrement, je n’étais pas habituée à la notation plus serrée du supérieur.
La 1ère année correspond au tronc commun. Le contenu ne me passionne pas obligatoirement. Mais nos professeurs sont pédagogues en général, passionnés. Beaucoup sont des chercheurs, des professionnels, ils n’ont pas forcément l’approche d’un enseignant classique. Il faut adapter sa prise de note, c’est plus compliqué.”
“Au début, on veut tout faire, tout étudier, suivre toutes les pistes de lecture. Puis les cours sont de plus en plus exigeants, les échéances s’accumulent, et là le stress monte, confie L.”
L’adaptation méthodologique
“Je craignais le niveau de cours, confie M. Est-ce que mon anglais serait suffisant à l’écrit pour la science politique par exemple? J’avais un bon niveau en anglais à Hong Kong, mais c’était surtout de l’oralité. Au 1er semestre au Havre, j’ai pris les cours en français. Il ne faut pas avoir honte de le faire. Le passage dans le supérieur est difficile partout, c’est le passage à l’autonomie, il n’y a personne pour surveiller. On passe d’un lycée où on est super suivis, dans des classes de vingt élèves et on se retrouve en amphi. J’ai connu la baisse des notes. Il faut se relever, le travail paie toujours.”
“C’est une année générale pour remettre tout le monde au même niveau. Chaque élève a des facilités dans les matières vues dans sa filière d’origine. Les ES connaissaient la moitié des cours d’éco, mais les S étaient avantagés en maths et statistiques, ajoute C.
Il existe un système d’entraide avec des drive partagés. Les 2des années passent les sujets de l’année précédente et leurs fiches de lecture. Bien entendu, les professeurs et les sujets changent chaque année mais ces ressources donnent des éclairages importants.”
“J’ai dû opérer une adaptation méthodologie, confie L. Par exemple en histoire. Au lycée, il suffit en gros d’un travail de mémorisation. Alors que dans le supérieur, il faut s’approprier les concepts pour soutenir son argumentation. La problématisation devient plus complexe. J’ai appris à réfléchir plus en profondeur.”
Est-ce qu’on ne fait que travailler la 1re année de Sciences Po ?
“Il faut s’épanouir en dehors de la vie intellectuelle, sinon tu ne t’en sors pas, assure C. Sur le campus de Sciences Po Le Havre, nous devons sélectionner un parcours artistique dans notre cursus. L’offre est très importante. J’ai choisi l’atelier d’imprimerie de l’école d’art du Havre. J’étais en cours avec des élèves extérieurs, venant d’autres horizons.”
“Nous avons 20h de cours hebdomadaires, renchérit S. Tu rates une partie de ta scolarité si tu ne fais pas partie d’une association. Au Havre, nous avons plus de 60 associations, des plus grandes aux plus modestes, de la danse chinoise au bollywood, de la poésie au théâtre. J’ai rejoint le club des cheerleaders, club réputé qui gagne depuis plusieurs années le concours inter-campus.
Quelles sont les plus grosses difficultés en 1re année?
Le quotidien et le sur-engagement
“Il est difficile de gérer le quotidien au début, explique S. Le budget, les courses, je me suis sur-engagée dans les associations, je me suis laissée déborder. J’ai fini par trouver un rythme, avec des journées super chargées et en prévoyant de garder du temps pour moi. Je continue à jouer de la harpe au conservatoire et j’ai repris la danse.
On nous prévient à la rentrée de nous méfier du November mental breakdown, le moment où la pression augmente avec les partiels et le froid. C’est un moment important, il faut protéger sa santé mentale. Nous avons 2 psychologues disponibles sur le campus de Sciences Po Poitiers. Les consulter n’est pas perçu comme une démarche négative, au contraire. Nous devons faire face à l’éloignement de la famille en plus de la pression.”
Le creux de novembre et des finals
“Moi, j’étais tête de classe toute ma scolarité, corrige un peu M. Sciences Po était totalement le but de ma vie au lycée. Cette année j’ai vécu mon rêve. J’ai eu envie de profiter du 1er trimestre, je me suis sur-investie dans les associations. Entre gérer mes sorties, mon sport et mes associations, je ne me suis pas beaucoup investie dans mes cours donc je n’ai pas eu le november breakdown …
Mais j’ai eu le breakdown des finals, la dernière ligne droite avant les vacances de Noël. Il faisait froid, il y avait beaucoup à apprendre en peu de temps, tout le monde travaille à fond et tu ne vois plus personne. Je dors mal depuis que je suis à ScPo, c’est le problème. Et puis, la famille nous manque aussi.”
Quels sont tes conseils pour ma 1re année à Sciences Po ?
Une bonne organisation
“Pour réussir, explique L., l’organisation est primordiale. Ce n’est pas compliqué en soi, on peut tout faire et tout rendre dans les temps, si on est organisé. Faire son ménage, ses courses, sa vaisselle, gérer les horaires de cours, les temps de déplacement, les rendus, les examens, les associations.”
En résumé, il faut apprendre à dire “non” expliquent les élèves, on a envie de tout faire, de tout lire au début. C’est impossible
Cours d’amphi et tutorials
“Mon conseil est de ne pas rater les cours d’amphis, précise M. Peu d’étudiants y assistent parce qu’ils vont principalement aux tutorials (groupes encadrés d’une dizaine d’étudiants) qui sont suffisants pour comprendre le cours.
Si possible, mets-toi en relation avec des 2des années qui peuvent partager des ressources, par exemple des notes sur les lectures. Il y a une lecture d’une cinquantaine de pages avant chaque amphi en sociologie, en histoire et en sciences politiques. C’est important de s’investir à fond dans les matières qui nous intéressent.
Fais tout au fur et à mesure, sinon le planning n’est pas gérable. Si tu fais un reading, fais ta fiche tout de suite, ne te dis pas que tu la feras la semaine suivante, tu ne la feras pas.
Le syndrome de l’imposteur
“Une des peurs, raconte S., c’est d’arriver dans un environnement qui ne nous convient pas. C’est très important de garder son naturel, ses convictions, comme pendant l’entretien de sélection, de profiter de la gratification de l’engagement associatif. Il ne faut pas trop se mettre la pression non plus si les notes ne sont pas aussi bonnes qu’au lycée. Beaucoup d’élèves souffrent du syndrome de l’imposteur. Nous vivons dans un environnement de personnes brillantes. Il faut persévérer, les notes finissent par monter, même si les attentes et les résultats ne sont pas à la hauteur qu’on s’était fixée.”
“Il y a beaucoup de têtes, confirme C. Mais à Sciences Po, tout le monde a sa valeur, ce n’est pas seulement intellectuel. Ça ne sert à rien d’assumer un “rôle”, en pensant qu’on passera mieux. Les élèves des campus de région sont hyper ouverts. Reste naturel, il y a tellement de profils différents, tu trouveras obligatoirement quelqu’un avec qui tu te sentiras bien.”
Et la prépa Sciences Po ?
“Il faut rester ouverts, se cultiver et pas seulement se focaliser sur les connaissances académiques. C’est une mentalité de préparation dans la vie de tous les jours, confie C. Je me suis mise à parler de tous les sujets du quotidien (un livre lu, un film vu, une expérience vécue) comme si je passais l’oral de sélection. Surtout qu’à cet oral, on peut tomber sur n’importe quelle question, y compris aussi imprévisible que l’organisation des autoroutes à Moscou.”
“Le savoir être pendant l’entretien est très important, confirme S. Sciences Po ne cherche pas des “je sais tout”, mais des personnes qui peuvent réagir et rentrer dans un échange construit. On avait anticipé plein de questions pendant la prépa Sciences Po Averroès, et la plupart d’entre-elles sont tombées pendant l’entretien”.
(*) Le concours écrit disparaît pour la promotion 2021-2022. Consultez notre article Nouvelle procédure d’admission Science Po.