Femmes et littérature au bac : une journée pour bousculer les idées reçues8 min read
Reading Time: 4 minutes8/∞
Pourquoi ces deux signes ? Le huit, tout d’abord pour faire référence à la journée internationale des droits des femmes qui se tiendra le 8 mars 2022. Le signe de l’infini, pour suggérer une journée qui renverse, bouscule indéfiniment les idées reçues. Et l’on peut s’étonner du nombre de textes étudiés au lycée ou plus tard à l’université écrits par des hommes. Les femmes seraient-elles donc si minoritaires en histoire littéraire ? Parcourons un peu l’Histoire…
Vous avez dit sexe faible ?
Nous voici plongés en pleine guerre du Péloponnèse (431 – 404 av. J.-C.). Les combats font rage entre Athène et Sparte. Aristophane, dans sa comédie Lysistrata, propose un portrait de femmes combattantes et pleines d’humour. Lysistrata est pour ainsi dire l’héroïne de la pièce et son prénom signifie littéralement « celle qui défait les armées ». Prendre les armes ? Pas assez efficace. Prendre la fuite ? Cela serait beaucoup trop lâche. Avec un humour décapant, Aristophane imagine les femmes privant les hommes de plaisir charnel pour leur faire cesser le combat. Une pièce qui fit déjà beaucoup rire dans l’Antiquité et qui a bien vite quitté les programmes du lycée car on l’a parfois considérée comme choquante.
On ne dira pas aux élèves d’aller lire ce classique aussi drôle que décapant, et toute ressemblance avec un lien vers le texte serait purement fortuite
Le Moyen Âge et la Renaissance : pas tout en armure !
La période médiévale véhicule un grand nombre d’idées reçues. Certes, c’est une longue période couvrant dix siècles et qui a connu son lot de batailles et de périodes extrêmement sombres. Parmi les figures féminines, souvent retenues par l’Histoire, on trouve Jeanne d’Arc. Mais elle est loin d’être la seule femme célèbre, bien des portraits féminins d’exception se distinguent entre Moyen Âge et Renaissance. Elisabeth Ière, reine d’Angleterre au XVIème siècle, parlait aussi bien le latin que l’allemand, sa culture était immense. Et lorsque l’Invincible Armada de Philippe II d’Espagne s’approche des côtes anglaises, la reine à Tilbury chevauche auprès de ses hommes et leur déclare dans son discours :
« Je sais que mon corps est celui d’une faible femme, mais j’ai le cœur et l’estomac d’un roi, et d’un roi d’Angleterre ».
Bien moins connu aussi, le visage de Marguerite d’Anjou (1430-1482) qui épousa le roi d’Angleterre Henri VI. Celui-ci, manifestant des signes de folie, Marguerite d’Anjou s’occupera de la couronne pendant la Guerre des deux Roses. Et R.L Stevenson vous plongera avec bonheur et frissons dans cette période avec son roman La Flèche noire, peu connu mais qui mérite d’être lu.
L’indépendance comme source de liberté
Mais le Moyen Âge met aussi en lumière des figures brillantes comme celle de Christine de Pizan (1364-1430). Veuve très jeune, elle décide de ne pas se remarier. Ce qui, à l’époque, lui vaut d’être suspecte. Pendant quatorze ans, elle assure l’éducation de ses enfants et fait vivre sa famille grâce à un maigre héritage. Sa persévérance à se maintenir à la Cour lui assure toutefois son avenir littéraire. Dans La Cité des Dames, l’un de ses livres les plus célèbres, elle revient sur les clichés liés au féminin et défend la noblesse de l’esprit devant la noblesse de la naissance. Elle y pose entre autres la question de l’égalité d’éducation entre les hommes et les femmes. Un texte humaniste avant la lettre.
Le roman au féminin
Au XVIIème siècle, le genre noble par excellence est le théâtre, qui emprunte ses sujets à la mythologie gréco-romaine. A l’époque, lire des romans dont les principaux sujets sont le monde et ses contemporains, n’est pas chose bien vue. A croire que le miroir renvoie un reflet un peu trop direct. Et les femmes romancières ont joué un rôle important dans la constitution du genre romanesque : Madame de La Fayette, dont on ne présente plus La Princesse de Clèves, mais aussi Madame de Scudéry (1607-1701). Elle avait un frère, Georges de Scudéry, qui n’hésita pas à endosser la paternité de quelques œuvres de sa sœur pour qu’elles soient livrées au public sous un nom masculin, ce qui faisait quand même plus sérieux !
Femmes des Lumières
Cette année, le programme de la classe de 1ère donne la possibilité d’étudier la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges (1748-1793). Pastiche de l’autre célèbre Déclaration de la Révolution française, son texte est un point important pour la défense des droits des femmes mais aussi pour l’abolition de l’esclavage.
Mais bien d’autres figures féminines ont joué un rôle capital au XVIIIème siècle, et notamment au cœur des salons littéraires, à l’image de celui tenu par Madame de Tencin (1682-1749). C’est alors l’un des plus célèbres du siècle, où se côtoient Marivaux, Montesquieu ou encore Fontenelle. Ces salons ont joué un rôle important dans l’échange et la diffusion des idées.
Qui porte la culotte ?
Au XIXème siècle, le mot “culotte” est à peu près synonyme de « pantalon », autrement dit une tenue exclusivement masculine. En 1830, après la révolution de Juillet, il s’impose. Mais il est une figure littéraire qui se dessine et qui porte le pantalon, qui fume le cigare et qui joue subtilement de son pseudonyme littéraire, George Sand (1804-1876). De son vrai nom Aurore Dupin, elle choisit un pseudonyme aux consonances masculines pour pouvoir se faire éditer. Elle prône la passion, fustige le mariage et connaît une vie sentimentale qui défraie déjà la chronique à l’époque. Même le sacro-saint Baudelaire n’échappe pas à la règle d’une certaine misogynie quand il critique George Sand. Une vraie fleur du mal :
« Je ne puis penser à cette stupide créature, sans un certain frémissement d’horreur. Si je la rencontrais, je ne pourrais m’empêcher de lui jeter un bénitier à la tête. »
Le deuxième sexe ?
Les figures du XXème siècle sont tout aussi nombreuses et il serait bien impossible ne serait-ce que d’énumérer tous leurs noms. L’on pourrait retenir celle de Simone de Beauvoir (1908-1986) qui écrit en 1949 Le Deuxième Sexe. Il ne faudrait pas prêter à son auteur un but ouvertement militant et féministe. Mais cet ouvrage est plutôt à percevoir comme un carrefour de la pensée, une somme de connaissances pour aborder la question du féminin. Il est toujours délicat de ne retenir qu’une citation d’une œuvre riche et complexe, mais celle-ci a l’éclat de la brièveté en guise de conclusion : « On ne naît pas femme, on le devient ».
Comment construire votre culture littéraire ? Découvrez ici nos modules de préparation aux cours de français.